Actualité patrimoniale

Donation de sommes d’argent : fin de la déduction des créances de restitution

Le 16/05/2024
La loi de finances 2024 met un terme à la déduction des dettes de restitution liées aux donations de sommes d'argent dont le parent donateur défunt s'était réservé l'usufruit. Ces nouvelles règles s’appliquent concrètement dans de rares cas. Les capitaux transmis en assurance-vie au moyen d’une clause bénéficiaire démembrée, en principe hors-succession, ne devraient pas être concernées par cette évolution fiscale.

Donation de la nue-propriété : quelles implications fiscales ?

Un amendement à la Loi de Finances 2024 a créé l’article 774 bis du code général des impôts modifiant la fiscalité du quasi-usufruit (voir glossaire ci-dessous). Depuis le 1er janvier 2024, la donation de la nue-propriété d’une somme d’argent à ses enfants a perdu de son intérêt fiscal.

 

En effet, les législateurs ont supprimé la possibilité de déduire de l’actif successoral la créance de restitution dans le cadre d’une donation de somme d’argent, estimant que ce type d’opération est “principalement motivé par un objectif d’optimisation fiscale”. Sont visées les opérations dont le donateur garde la disposition du capital et peut l’utiliser à sa guise et dont la nue-propriété est transmise.

 

Jusqu’alors, la donation d’une somme d’argent avec réserve de quasi-usufruit permettait au nu-propriétaire de déduire, lors de la succession, la différence entre la valeur transmise au moment du démembrement de propriété, et la valeur restant au décès de l’usufruitier. Dans les faits, les législateurs y ont vu, dans certains cas, un montage fiscal destiné à alléger la charge successorale lors du décès de l’usufruitier.

 

L’assurance-vie n’est pas concernée par l’article 774bis

Une inquiétude s’est faite jour sur le point de savoir sices nouvelles règles s’appliquent uniquement dans le cadre des donations de sommes d’argent avec réserve d’usufruit ou emportent avec elles tous les cas d’usage du quasi-usufruit. Dans le cas le plus fréquent de de la clause bénéficiaire démembrée d’un contrat d’assurance-vie, cette déduction est, de l’avis général des praticiens, bel et bien maintenue. Si l’usufruitier consomme une partie des sommes transmises, la différence est toujours déductible de l’actif successoral dans la mesure où une convention de quasi-usufruit a bien été rédigée et enregistrée à temps auprès des services fiscaux.

 

Bon à savoir : Avant l'adoption de l'article 774 bis du CGI, la jurisprudence administrative admettait la déduction des dettes de restitution liées aux donations de sommes d'argent dont le donateur s'était réservé l'usufruit. Vous pouvez consulter quelques cas sur ce document PDF.

Comment fonctionne le démembrement de propriété pour les biens consomptibles ?

L’usufruit est un concept de droit consistant à démembrer la propriété d’un bien mobilier ou immobilier, en séparant le nu-propriétaire de l’usufruitier. L’usufruitier conserve l’usage et la jouissance du bien. Il peut ainsi habiter dans le logement dont la propriété a été démembrée, en percevoir les revenus locatifs, ou utiliser les sommes transmises dans le cas d’un bien mobilier. De son côté, le nu-propriétaire récupère la pleine propriété du bien au terme de la période de démembrement, ou au décès de l’usufruitier.

 

Dans le cas des biens consomptibles comme une somme d’argent, l’usufruitier doit à terme restituer au nu-propriétaire les capitaux lui ayant été transmis lors du démembrement de propriété. Si, après son décès, le capital restant est inférieur au capital initial, la différence est généralement déduite de son actif successoral : cela s’appelle une créance de restitution.

 

Bon à savoir : La suppression de la déduction de la créance de restitution a comme conséquence pour le nu-propriétaire d’être redevable de droits de succession sur la valeur de la créance de restitution lors du décès de l'usufruitier. Pour éviter une double fiscalisation des sommes, la nouvelle loi permet que les droits payés lors de la donation initiale sont déductibles des droits de succession dus au final.

Pourquoi utiliser le démembrement de propriété ?

Dans le cas des biens immobiliers comme des biens mobiliers,le démembrement de propriété est un puissant outil d’optimisation de la transmission. De manière générale, les parents confient à leurs enfants la nue-propriété du bien tout en conservant son usufruit jusqu’à leur décès. Les droits de succession sont alors calculés sur la valeur de la nue-propriété, bien inférieure à celle de la pleine propriété. Cela permet répartir le patrimoine entre les héritiers en bénéficiant de taxes réduites lors de la succession

 

Comment est calculée la valeur de la nue-propriété ?

La valeur fiscale de la nue-propriété est calculée en fonction de l’âge de l’usufruitier lors de la donation, selon le tableau suivant :

 

Source : Code des Impôts

Âge de l’usufruitier

Valeur de l’usufruit

Valeur de la nue-propriété

Moins de 21 ans

90 %

10 %

De 21 à 30 ans

80 %

20 %

De 31 à 40 ans

70 %

30 %

De 41 à 50 ans

60 %

40 %

De 51 à 60 ans

50 %

50 %

De 61 à 70 ans

40 %

60 %

De 71 à 80 ans

30 %

70 %

De 81 à 90 ans

20 %

80 %

À partir de 91 ans

10 %

90 %

Pour vous aider, il existe un simulateur de calcul du barème fiscal de l’usufruit et de la nue-propriété : Simulateur - Barème fiscal de l'usufruit et de la nue-propriété - saisie montant et âge - service-public.fr

 

Glossaire

 

Démembrement : il consiste à diviser la pleine propriété d'un bien en deux droits distincts : l'usufruit et la nue-propriété.

 

Nue-propriété : droit de disposer de la substance du bien, c'est-à-dire de le vendre, de le donner ou de le léguer. Vous êtes propriétaire du bien sans pouvoir en percevoir les fruits. Toutefois, en immobilier, vous pouvez percevoir une indemnité d'occupation si l'usufruitier occupe le bien. Vous pouvez également vendre votre droit de nu-propriétaire et vous récupérez la pleine propriété du bien à l’extinction de l’usufruit

 

Usufruit : droit d'utiliser et de percevoir les fruits d'un bien sans en être propriétaire. Vous devez restituer le bien à l’issue de l’usufruit en vous étant acquitté des coûts d’entretien du bien, en immobilier, durant la période usufruitière.

 

Différence entre usufruit et quasi-usufruit : elle dépend de la nature du bien. L’usufruit concerne les biens non consomptibles, c’est-à-dire dont la valeur intrinsèque ne se détruit pas par l’usage normal (immeubles, bijoux, œuvres d’art.…). Le quasi-usufruit porte sur des biens consomptibles (sommes d'argent, actions, denrées...). Ainsi, le quasi-usufruitier doit rendre la valeur du bien à la fin de son usufruit.