FLASH INFO pour nos clients en GSM (gestion sous mandat)
Le 31/05/2018Cette crise politique est-elle atypique ?
L’Italie a connu 60 gouvernements en 72 ans. L’instabilité gouvernementale fait donc partie du paysage politique italien. Ce n’est pas la première fois, depuis la proclamation de la république italienne en 1946, que le Président de la République italienne refuse d’avaliser un gouvernement présenté par la coalition sortie vainqueur des élections législatives. Pour autant, ce dernier épisode de crise politique semble atypique car c’est la première fois qu’il n’y a pas de compromis, le Président du Conseil pressenti, G. Conte, ayant refusé de modifier sa proposition de Ministre des Finances. Le Président Mattarella a donc dû rendre public la raison de sa position en expliquant qu’il ne pouvait pas accepter un Ministre des Finances, P. Savona, ouvertement très europhobe, susceptible de mettre en danger la place de l’Italie dans la zone euro. Sa décision est donc devenue très controversée puisqu’elle n’apparaît pas exclusivement liée à des considérations domestiques. L’accusation par les leaders de la coalition de « confiscation du vote des italiens, sous la pression de Bruxelles », a donc eu beaucoup de retentissement.
Comment sortir de cette impasse politique ?
Il est improbable que la solution d’un Gouvernement « technocrate » de transition proposée par le Président italien, et qui serait conduit par un ancien membre du FMI, passe avec succès le vote parlementaire.
Le scénario le moins négatif serait d’éviter de nouvelles élections. Ceci serait possible si la coalition LM propose un nouveau Gouvernement acceptable par le Président de la République. Sa probabilité n’est pas nulle mais semble assez faible car elle risque d’être perçue comme un recul par les électeurs des deux partis de la coalition.
Dans ces conditions, il est prévisible que de nouvelles élections devront être organisées. Deux éléments seront plus particulièrement scrutés par les marchés financiers. En premier lieu, le calendrier de ces élections : plus la date sera éloignée (rentrée prochaine, voire fin d’année) et plus les investisseurs risquent de demander une prime de risque importante. Une échéance plus rapprochée (fin juillet) pourrait être plus appréciée par les marchés même si une campagne électorale courte avantagerait a priori les deux partis sortis vainqueurs des dernières élections. En second lieu, le thème de la campagne électorale : plus elle sera centrée sur la question de l’euro et plus ces prochaines élections seront à haut risque, même si une position clairement anti euro de la Ligue du Nord et du Mouvement Cinq Etoiles pourrait leur être in fine défavorable. Enfin, et au-delà de ces deux interrogations, c’est le résultat de ces élections ainsi que la composition du gouvernement qui sera proposée au Président Mattarella qui risquent d’être déterminants. Une nouvelle victoire de la coalition LM avec un Gouvernement plus neutre vis-à-vis de la question de l’euro serait perçue moins négativement par les investisseurs. Bien entendu, une défaite de la coalition LM créerait un soulagement sur les marchés
Peut-on avoir un remake de la crise de la zone euro ?
La flambée des taux italiens, la chute des actions transalpines et celle des valeurs bancaires de la zone euro ne laissent pas de doute : l’Italie a clairement ravivé le spectre d’une nouvelle crise de la zone euro. Le rendement de l’emprunt d’Etat italien à deux ans, véritable baromètre des craintes systémiques, a grimpé de -0.25% à +2.50% et a atteint un écart vis-à-vis de l’emprunt d’Etat allemand à 2 ans de 326 points de base ! Des niveaux constatés lors de la crise de la zone euro en 2012-2013.
Nous estimons que la probabilité d’un remake de la crise de la zone euro est faible pour au moins trois raisons :
- Tout d’abord, il faut nuancer l’ampleur de la réaction des marchés. L’envolée des taux italiens a été très certainement amplifiée par la faiblesse de la liquidité des marchés. Depuis le retrait marqué des principales banques d’investissement de l’activité de teneur de marchés, pour cause de coût en fonds propres très élevé, la liquidité des transactions est devenue très réduite lors des épisodes de tensions et ce même, pour des tailles d’opérations limitées !
- Ensuite, le contexte macroéconomique est plus favorable qu’en 2011 – 2013. Outre le retour de la croissance, même en Italie, les déficits des balances des paiements ont été résorbés (l’Italie, l’Espagne, l’Irlande, le Portugal sont devenus excédentaires et la Grèce est quasi à l’équilibre) ce qui rend moins vulnérables certains pays de la zone euro aux financements externes de leur dette encore élevée. Dans le cas de l’Italie, qui a un ratio dette / PIB très élevé (supérieur à 130%), le stock de dette est dorénavant très majoritairement détenu par des investisseurs domestiques (plus de 70%).
- Enfin, et c’est un élément clef en cas de scénario très adverse en Italie, nous estimons que les risques de contagion resteront contenus. Outre un environnement macroéconomique meilleur, un système bancaire plus solide et donc plus résilient, ce sont les différents pare-feux mis en place par les institutions européennes et la BCE qui représentent selon nous des digues non seulement solides mais surtout très crédibles et donc dissuasives vis-à-vis des opérateurs de marchés qui seraient tentés de
« rejouer » de nouveau un éclatement de la zone euro.
Quels sont les ajustements que nous avons ou que nous pensons réaliser dans les mandats de gestion ?
Une de nos principales convictions depuis le début de cette année c’est que le marqueur de 2018 allait être le retour de la volatilité avec pour principale conséquence un pilotage tactique des portefeuilles
Dans ces conditions, nous avons profité du fort rebond des grands indices actions depuis la mi-mars pour commencer à réduire nos expositions actions à partir du début du mois de mai. Sans anticiper la nature de cette crise politique italienne, nous avons décidé d’accentuer notre sous pondération dès l’annonce de la formation de la coalition LM (à titre d’exemple l’exposition du mandat PEA Europe a été ramenée à environ 82%). Nous avons ensuite profité de l’accès de faiblesse du mardi 29 mai pour remonter quelque peu nos expositions (85% pour le PEA Europe) en achetant cependant des valeurs et des OPC de «croissance» par nature assez défensifs.
Nous avons également réduit notre exposition globale aux valeurs bancaires tout en restant investis sur ce secteur, conformément à notre conviction de probabilité faible du scénario de crise de la zone euro et en raison d’une valorisation qui nous paraît attrayante. Cet allègement sur le secteur financier a été réalisé par la vente du titre Crédit Agricole et de la valeur Caixabank. Ce titre espagnol pourrait en effet souffrir en cas de vote d’une motion de censure contre le Gouvernement du Premier Ministre Rajoy.
S’agissant plus précisément des actifs italiens, ou de ceux des pays périphériques, nous avions au cours du 4ème trimestre de 2017 complètement clôturé notre exposition directe aux obligations italiennes et périphériques et fortement réduit nos positions aux OPC qui investissent une partie trop importante de leur actif sur ces titres obligataires. Même s’il était très compliqué à l’époque d’anticiper l’émergence / l’existence d’une telle coalition aussi disparate, nous estimions que la rémunération supplémentaire apportée par les obligations italiennes ne couvrait plus les incertitudes politiques et que les marchés étaient trop complaisants (écart de rendement du 10 ans italien vis-à-vis du 10 ans allemand à 145 points de base contre 260 actuellement !).
Enfin, nous avons décidé de garder nos positions de couverture sur le dollar américain malgré le renforcement du billet vert contre l’euro. Outre notre conviction sur la zone euro, nous estimons que la devise américaine a déjà largement profité d’un fossé qui s’est creusé entre les taux de la Fed et ceux de la BCE. Nous maintenons des perspectives de croissance et d’inflation encore favorables en zone euro, ce qui devrait bien conduire la BCE à mettre fin à son programme de rachats d’actifs cette année et à débuter un cycle de relèvement de taux, très graduel, l’année prochaine.
Au total, nous gardons encore des liquidités car les marchés risquent de rester dans l’expectative, dans l’attente notamment des déclarations de la BCE et des annonces à la suite du prochain Conseil Européen de fin juin. Par ailleurs, et sauf accord de dernière minute entre la coalition LM et le Président italien pour éviter de nouvelles élections, le risque italien devrait continuer d’influencer les marchés européens et mondiaux au moins jusqu’aux prochaines élections.
Rédigé par la Direction de la Gestion Privée de BPE le 30 mai 2018 à 12 h 30