Dirigeants d'entreprise

Cession d'entreprise : quelle fiscalité pour les entreprises

Le 02/12/2022
Chaque année en France, 75 000 entreprises sont mises en vente. Pour les entrepreneurs qui cèdent les titres de leur société, la question de la fiscalité devient vite un sujet majeur. L’aide d’une expertise en ingénierie patrimoniale peut alors s’avérer très utile. La plus-value réalisée lors de la cession des titres d’une société – à savoir la différence entre le prix net de cession des titres et le prix de leur acquisition ou de leur souscription - est en effet soumise à une imposition qui peut s’avérer très élevée.

Si vous êtes entrepreneur et envisagez de céder les titres de votre société, vous allez devoir payer des impôts dès lors que vous aurez réalisé une plus-value sur la cession. Au titre de l’impôt sur le revenu, vous serez soumis, par défaut, à un prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou « Flat Tax » de 30 %, soit 12,80 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,20 % au titre des prélèvements sociaux. Ce taux peut être porté à 33 % ou 34 % si vous êtes assujetti à la contribution exceptionnelle de 3 % ou de 4 % sur les hauts revenus comme nous le verrons plus loin.

L'abattement pour "durée de détention

 

Il vous est toutefois possible d’opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu assorti d’un taux de 17,20 % au titre des prélèvements sociaux. Vous pouvez recourir à cette option lors du dépôt de votre déclaration de revenus, l'année suivant celle de la cession. L’intérêt de cette option est de pouvoir   bénéficier d’un abattement pour « durée de détention » qui s’impute sur la plus-value avant de calculer l’impôt. Cet abattement est progressif en fonction de la durée de détention des titres. À noter que cet abattement ne concerne que l’impôt sur le revenu et ne s’applique pas aux prélèvements sociaux.

 

Il existe deux types d’abattement pour « durée de détention » : l’abattement général et l’abattement renforcé qui répondent à certaines conditions. Pour l’abattement général, les droits sociaux de la société à l’IS ou à l’IR doivent être cédés par une personne physique imposée en France et avoir été acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018. Certains titres ne peuvent bénéficier de cet abattement (stock-options, bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise ou bon de souscription d’action). Les taux d'abattement applicables sur la plus-value sont de 50 % lorsque les titres sont détenus depuis au moins 2 ans et moins de 8 ans et de 65 % lorsque les titres sont détenus depuis au moins 8 ans.

 

Concernant l’abattement renforcé, les conditions sont plus strictes : la société dont les titres sont cédés doit être une PME (au sens du droit de l’Union européenne*) exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Elle doit être créée depuis moins de 10 ans à la date de souscription ou d’acquisition des droits cédés et ne pas être issue d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes. Elle doit également être passible de l’impôt sur les bénéfices et n’accorder aux souscripteurs que les seuls droits résultant de leur qualité d’associés ou d’actionnaires (sans autre avantage ou de garantie en capital). Enfin, elle doit avoir son siège social dans un Etat de l’Espace économique européen (EEE). Les taux applicables sont de 50 % pour les titres détenus depuis au moins 1 an et moins de 4 ans, 65 % pour les titres détenus depuis au moins 4 ans et moins de 8 ans et 85 % pour les titres détenus depuis au moins 8 ans. 

 

Ces abattements ne sont pas applicables si le cédant soumet l’imposition de sa plus-value de cession au PFU.

 

 

Départ à la retraite : un dispositif d'abattement fixe prolongé et adapté

 

L’article 150-0 D ter du Code général des impôts (CGI) propose un autre type d’abattement. Ce dernier est de 500 000 euros sur les plus-values réalisées par des dirigeants de PME, répondant à la définition européenne*, partant à la retraite et qui cédant leurs titres (détenus depuis au moins 1 an) d’une société opérationnelle à l’IS qui a son siège de direction effective dans un Etat de l’EEE.  Le cédant doit, pendant les 5 ans précédant la cession et sans interruption, avoir exercé au sein de la société une fonction de direction et avoir détenu au moins 25 % (directement ou indirectement ou avec son groupe familial) des droits de vote ou des droits dans les bénéfices. Enfin, il doit cesser toute fonction, de direction ou salariée, dans la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans suivants ou précédant la cession. Initialement applicable aux plus-values réalisées sur les cessions intervenues du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2022, le dispositif a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2024 par la loi de finances 2022. Cet abattement ne s'applique que pour le calcul de l'impôt sur le revenu et non pour celui des prélèvements sociaux de 17,2 %. Cet abattement de 500 000 euros sera accordé quelles que soient les modalités d'imposition (taxation forfaitaire unique de 30% (PFU) ou barème progressif de l'impôt sur le revenu).  

 

Un aménagement a été accordé, en raison du contexte économique et sanitaire : pour le gérant qui a fait valoir ses droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 et dont le départ en retraite a précédé la cession, le délai de 2 ans accordé pour cesser ses fonctions est porté à 3 ans (soit 36 mois de date à date).

 

Un régime du report d'imposition

Si vous envisagez de céder votre société tout en évitant de supporter immédiatement la charge fiscale, il peut être également avantageux de mettre en place un autre dispositif avant la cession : l’apport-cession. Le principe consiste à procéder à un apport de tout ou partie de vos droits sociaux à une holding dont vous recevrez en contrepartie des titres.

 

Si toutes les conditions sont remplies, les plus-values placées en report d’imposition de plein droit ne sont imposées qu’au titre de l’année au cours de laquelle la holding cède les titres de la filiale qui lui ont été apportés.

 

Si cette cession intervient plus de 3 ans après l’apport, le report d’imposition perdure. Si cette cession intervient moins de 3 ans après l’apport, le report d’imposition prend fin et l’impôt de plus-value est dû, sauf si la holding réinvestit, dans un délai de 2 ans à compter de la cession, au moins 60 % du produit de la cession dans :

  • Le financement de moyens permanents d’exploitation affectés à son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière
  • Et/ou l’acquisition d’une fraction de capital d’une ou plusieurs sociétés, exerçant une de ces activités, et qui lui confère le contrôle de chacune de ces sociétés,
  • Et/ou la souscription en numéraire au capital initial ou à l’augmentation de capital d’une ou plusieurs sociétés
  • Et/ou la souscription de parts ou actions de Fonds Communs de Placement à Risques (FCPR), Fonds Professionnels de Capital Investissement (FCPI), Sociétés de Libre Partenariat (SLP), Sociétés de Capital-Rique (SCR) ou d’organismes similaires.

 

Etant ici précisé que le décès de l’apporteur des titres de la société opérationnelle à la holding purge la plus-value. La donation des titres de la holding (sous certaines conditions de contrôle et de durée de détention) purge, quant à lui, le report.     

 

 

Des pistes de défiscalisation

Toutefois, les abattements précités ne permettent, dans certains cas, qu’une exonération partielle de l’impôt de plus-value. Il peut donc être intéressant d’envisager d’optimiser la fiscalité restant à charge avant le 31 décembre de l’année de cession. Vous disposez pour cela de toute une palette de dispositifs fiscaux pour agir sur le solde de l’assiette taxable, soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Par exemple, le Plan d’Epargne Retraite individuel (PERin) ou l’investissement dans un monument historique avec travaux, pour ne citer qu’eux. Dans ce dernier cas, le cédant pourra déduire de son revenu global (comprenant notamment le solde de la plus-value non gommé) l’intégralité des travaux de restauration sur plusieurs années, sans limite de montant et hors plafonnement global des niches fiscales. D’autres dispositifs fiscaux permettront d’agir non pas sur le solde de l’assiette taxable mais sur l’impôt lui-même comme, par exemple, les investissements immobiliers « Pinel », « Denormandie ancien » ou « Malraux ».   

Une stratégie de réduction de l’assiette n’est pas exclusive d’une stratégie de réduction de l’impôt. Ces deux stratégies peuvent se cumuler.

Déduire au maximum la contrbution sociale généralisée (csg)

Une autre piste à ne pas négliger pour adoucir la fiscalité appliquée en cas de cession d’une société est la déductibilité de la CSG. En effet, si la plus-value de cession des titres a été soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu (après application des abattements détaillés ci-avant) la CSG est déductible à hauteur de 6,8 % du revenu global de l’année au cours de laquelle elle a été payée (donc des revenus N+1 de la cession). Dans la mesure où elle n’est imputable qu’une seule fois (sans possibilité de report de la partie non imputée). Il peut donc être judicieux de créer, l’année après la cession, suffisamment de revenus à l’ancien chef d’entreprise pour pouvoir imputer idéalement l’ensemble de la CSG déductible. Certaines stratégies permettent d’arriver à cette fin.

 

Recourir au système du quotient

 

Si la plus-value dégagée lors de la cession des droits sociaux peut être qualifiée de revenus exceptionnels, et uniquement si elle est soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu (après abattement), le cédant peut demander à bénéficier du système du quotient. Le but étant d’atténuer les effets de la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu engendré par la cession.

 

 

Demander le bénéfice du lissage de la cehr

Enfin, la plus-value relative à la cession de la société peut engendrer l’assujettissement du cédant à la Contribution Exceptionnelle sur les Hauts Revenus (CEHR) si son revenu fiscal de référence excède 250.000 euros (pour les personnes célibataires, veufs, séparés ou divorcés) ou 500.000 euros (pour les personnes mariées ou pacsées soumises à imposition commune). Le barème de la CEHR est progressif et comporte 2 tranches : 3 % et 4 %.

Pour atténuer l’imposition des contribuables exceptionnellement soumis à la CEHR, du fait d’un revenu exceptionnel, le cédant peut demander le bénéfice du « lissage » de la CEHR.

 

Voilà donc autant de possibilités de réduire votre imposition de la plus-value dégagée par la cession de vos titres. Cependant, pour bénéficier de façon optimale de ces différents dispositifs, il est conseillé de recourir à un service d’ingénierie patrimoniale pour un accompagnement sur mesure.

 

*Moins de 250 salariés et chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 M€ ou total du bilan annuel n’excédant pas 43 M€.

 

 

 

 

Mots-clés : Cession, fiscalité